samedi 27 octobre 2007

Oncle Vania

"Il fait un temps à se pendre avec plaisir"

Oncle Vania
Anton Tchekhov
Traduction André Markowicz et Françoise Morvan
Actes Sud, Coll. Babel, 1994
144 p.




















Je viens de lire les derniers mots de cette pièce de théâtre, et je reste un tout petit peu perplexe... C'est bien écrit, évidemment, mais je ne suis pas sûre d'avoir vraiment aimé.

Bon, déjà, c'est du Russe, il y a donc le style qui va avec. Des sentiments démesurés à chaque page, de la jalousie, de la haine, du mépris, de l'adoration, de la trahison, de l'amour désespéré et destructeur, en veux-tu en voilà.
Les personnages ont l'air presque tous au bord de la folie. Sauf le personnage de Sonia, très touchant. On lui propose la vérité plutôt que l'incertitude, mais elle refuse, puisque pour elle, "l'incertitude, c'est mieux... Il reste quand même l'espoir..."

Il y a même un petit côté Huis Clos avec tous ces personnages qui se retrouvent ensemble dans une ferme au milieu de la campagne russe. Eléna passe son temps à dire qu'elle veut s'en aller, mais elle passe aussi son temps à ne pas bouger de là où elle est. Les divers ressentiments s'aiguisent et s'exacerbent jusqu'à la fin de l'acte III, très surprenant : Vania tire à deux reprises sur [hé oh, vous croyiez vraiment que j'allais vous le dire ?], le rate à deux reprises, puis s'écrie "raté ? Encore manqué ?" et il s'assoit sur une chaise (avec le gars toujours en face de lui). Tout le monde s'exclame, personne ne bouge d'un poil et le rideau tombe.
Le rideau se relève sur l'acte IV, mais personne ne semble avoir l'idée de faire quoi que ce soit ou de commenter l'incident, et on passe à autre chose. C'est du Russe, quoi. Et Vania de commenter pensivement : "Etrange. J'ai fait une tentative de meurtre et personne ne m'arrête. Donc on me prend pour un fou."
Je sais pas si vous vous faites une idée de l'ambiance...

En parlant de "fou", ça me fait penser que dans le texte, au lieu de "fou", ils disent souvent "toqué". OR... je ne sais pas par quel chemin détourné de mon cerveau passe ce mot, mais ça fait toujours *tilt* avec Alice au Pays des Merveilles ! Vous savez, le Chapelier Toqué qui renverse du thé partout en fêtant son non-anniversaire avec son copain ? En plein Tchekhov, tout de suite, ça fait pas très sérieux.
Quoi que, en y réfléchissant, il y a quand même un côté russe chez Alice au pays des Merveilles.... hum....
La folie, la psychanalyse, les Russes, allez hop, tout ça dans le même panier.
Non mais sérieusement, je me demande pourquoi le traducteur a choisi ce mot... Surtout que le traducteur c'est André Markowicz, aka THE traducteur des Russes en général, et de Dostoïevski en particulier... (Si vous lisez Dostoïevski, il faut absolument prendre ses traductions en édition Babel. J'ai lu il y a pas longtemps sa préface de L'Idiot où il parle de la musique de la langue, du souffle de la respiration, de l'oralité de l'écriture... c'est à la fois sublime et très intelligent. Un génie de la traduction.)
Car traduire, ce n'est pas trahir, c'est interpréter !

Sur ce, revenons à nos moutons toqués.
En réalité, j'ai dit au début que je n'étais pas sûre d'avoir aimé, mais plus j'y pense, plus j'en parle, et plus je me rends compte à quel point c'est bien écrit... du coup j'aime maintenant ! quelle manipulation, dites donc !
Il y a quelques passages d'envolées lyriques de la part de Vania (qui s'appelle en réalité Voïnitski... oui les Russes ont toujours plein de noms différents, c'est comme ça) ou même du médecin Astrov (sur la forêt), qui sont d'une grande poésie.

Et puis, encore une fois, coup de coeur, pour la très émouvante tirade finale de Sonia. "Nous nous reposerons !"

Bon, je vais m'arrêter là, sinon on va encore râler et me dire que mes posts sont trop longs...
Ah jvous jure...

Et puis aussi, il y en a marre des livres, la prochaine fois je ferai une critique de film, tiens.
(Je dis pas que je sais faire, mais on va essayer...)



"VOÏNITSKI - La pluie va passer tout de suite, tout dans la nature sera rafraîchi et soupirera de soulagement. Moi seul, je ne serai pas rafraîchi par l'orage. Jour et nuit, elle vient m'étouffer, comme un de nos démons du foyer, cette idée que ma vie est perdue sans retour. Le passé n'existe plus, il a été bêtement gaspillé en vétilles, et le présent est monstrueux d'absurdité. Voilà ma vie et mon amour ; où les fourrer, que faire avec ? Ce que j'éprouve se perd pour rien, comme un rayon de soleil qui tomberait dans un trou, et moi aussi, je me perds."

2 commentaires:

Anonyme a dit…

D'un univers, l'autre, donc... Et voilà que je bascule en plein Tchekhov; à l'esprit, "Vania, 42ème rue" et l'image de Julianne Moore qui s'installe en filigrane... Comme quoi, à envisager la critique de film...

Bisto a dit…

Oncle Vania au théâtre de la Bastille

http://www.theatre-bastille.com/