samedi 10 novembre 2007

Au secours, Houellebecq revient !

"Le malheur, l'argent du malheur et le sourire de la libraire"

Au secours, Houellebecq revient !
Éric Naulleau
Chiflet & Cie, 2005
128 p.

Études d'édition obligent, je me dois de faire un petit tour du côté de "l'autre côté" : la littérature vue par les éditeurs.
Ici, Éric Naulleau, directeur de la maison d'édition L'Esprit des Péninsules, se fend d'un petit ouvrage en 3 parties :
- une vision personnelle du paysage littéraire français actuel,
- un texte très court, d'une étonnante virtuosité (cf extrait),
- un réquisitoire en règles contre Houellebecq.

Personnellement, je n'ai lu de Houellebecq que la moitié des Particules élémentaires. Et encore, je me suis forcée pour arriver jusque là. Ce livre m'a dégoûtée. D'un côté, vous me direz, ça prouve que Houellebecq est capable de produire de fortes réactions sur son lecteur. Certes. Mais je ne vois pas l'intérêt de lire si c'est pour en sortir dégoûtée.
Ce que j'attends d'un livre, c'est qu'il me fasse réagir, réfléchir, éprouver des émotions, qu'il me perturbe, me fasse rire, me mette en colère, qu'il me choque...
Qu'il me dégoûte, non. Le dégoût, c'est le rejet et l'éloignement. Or il me semble que la littérature sert à construire...
Construire autant le lecteur que l'écrivain, d'ailleurs. Quand Naulleau parle de littérature, il parle de "l'inquiétude logée au coeur de l'écriture. L'inquiétude de celui qui cherche son chemin en même temps qu'il le trace."
Jolie définition, je trouve.

J'ai donc eu beaucoup de mal à comprendre le pourquoi de l'engouement pour Houellebecq. On m'a dit "lis Extension du domaine de la lutte (son premier roman), tu comprendras". Bon. Ce jour n'étant pas arrivé, je ne comprends toujours pas, et j'ai toujours, moi aussi, envie de crier "au secours" en voyant son nom s'étaler en énorme dans le métro.

Petit livre au vitriol donc, d'une ironie acerbe et mordante, dont la première partie, assez générale, est intéressante. Beaucoup de comparaisons et oppositions entres auteurs, citations à l'appui. Beaucoup de dénonciations aussi : de pressions, d'auto-censure, de conflits d'intérêts. Les rapports entre éditeurs et journalistes littéraires apparaissent pour le moins.... complexes. Surtout quand certains critiques sont eux-mêmes auteurs, ce qui n'est pas rare. Loyauté envers sa maison d'édition, véritable opinion, jalousie, revanche... tout ça se mélange dans un joyeux bazar, et par plumes interposées.

Une réserve néanmoins : certains passages sur Houllebecq sont très violents, et semblent relever plus de la haine que de la critique littéraire. C'est dommage, d'autant que cela nuit quelque peu à la légitimité du propos.
Ceci dit, même la haine s'exerce avec style chez Naulleau. Et il est vrai qu'il étaye solidement sa position en truffant son texte de citations de Houellebecq (romans ou interviews) particulièrement ignobles.

Tout ceci est présenté sous la forme d'une interview, ce qui a l'avantage de donner une dynamique au texte, mais l'inconvénient de ne pas être très crédible. Cela parait évident que les réponses sont écrites, surtout avec autant de citations intercalées. Du coup, quand on lit ça :
" - Mais est-ce que...
- Je me permets de vous interrompre, car etc.
- Ne croyez-vous pas que...
- Pardonnez-moi d'à nouveau vous couper etc."
on se permet de sourire gentiment. Même si on sent que c'est un jeu entre les deux éditeurs.

Naulleau se fait ainsi féroce pamphlétaire pour réagir contre ce qui l'inquiète, tout en remettant les choses en perspective, c'est-à-dire en replaçant la littérature (ou ce qu'on appelle littérature aujourd'hui) dans son contexte sociologique.


"A l'infini, de fortes vagues de fort vagues ouvrages dressés côte à côte sur leurs ergots et leurs égos, très approximatifs registres des très pauvres émois de Mois tyranniques et querelleurs. La masse et la nasse. Un banc de saumons qui cherchent la sortie, nagent furieusement dans le sens du courant vers les lumières au loin, se passent mutuellement sur le corps, finissent tous ventre en l'air avant que le pilon ne les broie menu pour en tirer la farine dont raffolent le Veau d'or et Crazy Mama, sa dingue de mère. Lâcher de spermatozoïdes tous pareillement obsédés par l'idée d'engrosser la postérité."

2 commentaires:

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

beaucoup appris