jeudi 10 janvier 2008

Simone de Beauvoir

Aujourd'hui, Simone de Beauvoir aurait eu 100 ans.

Je viens de regarder toutes les émissions de ce soir qui lui étaient consacrées, et, je ne sais pas... j'avais envie de dire quelque chose, d'écrire quelque chose, d'exprimer mon admiration.
Simone de Beauvoir, c'est l'auteur qui m'a le plus touchée, le plus bouleversée.
Profondément et durablement.
En lisant ses mémoires, elle m'a fait découvrir ce que je ressentais, ce que je pensais, sans le savoir.

En regardant ce soir, le cinéaste Lanzmann, son compagnon pendant 8 ans, décrire avec frénésie et tumulte comment se passaient les voyages avec elle ("il fallait tout voir !") Le voir s'enthousiasmer : "C'était..." et puis laisser retomber ses mains... baisser la tête... et dire tout bas "... formidable",
je mesure que je n'arriverai jamais à mesurer.
Ce qu'elle a apporté à tant de gens. Et puis à moi.

D'une telle intelligence, d'une telle sensibilité... elle a réussi à me faire sentir la douleur de vieillir, à moi qui ne suis pas encore adulte.

Les dernières pages de La Force des Choses sont parmi les plus belles et les plus émouvantes que j'aie jamais lues.

Alors voilà. Hommage.
Un tout petit peu ridicule aux yeux de certains, sans doute, mais très sincère.

"Oui, le moment est arrivé de dire : jamais plus ! Ce n'est pas moi qui me détache de mes anciens bonheurs, ce sont eux qui se détachent de moi : les chemins de montagne se refusent à mes pieds. jamais plus je ne m'écroulerai, grisée de fatigue, dans l'odeur du foin ; jamais plus je ne glisserai solitaire sur la neige des matins. Jamais plus un homme. Maintenant, autant que mon corps mon imagination en a pris son parti. Malgré tout, c'est étrange de n'être plus un corps ; il y a des moments où cette bizarrerie, par son caractère définitif, me glace le sang. Ce qui me navre, bien plus que ces privations, c'est de ne plus rencontrer en moi de désirs neufs : ils se flétrissent avant de naître dans ce temps raréfié qui est désormais le mien. Jadis les jours glissaient sans hâte, j'allais plus vite qu'eux, mes projets m'emportaient. Maintenant, les heures trop courtes me mènent à bride abattue vers ma tombe. J'évite de penser : dans dix ans, dans un an. Les souvenirs s'exténuent, les mythes s'écaillent, les projets avortent dans l'oeuf : je suis là et les choses sont là. Si ce silence doit durer, qu'il semble long, mon bref avenir !
Et quelles menaces il enferme ! La seule chose à la fois neuve et importante qui puisse m'arriver, c'est le malheur. Ou je verrai Sartre mort, ou je mourrai avant lui. C'est affreux de ne pas être là pour consoler quelqu'un de la peine qu'on lui fait en le quittant ; c'est affreux qu'il vous abandonne et se taise. A moins de la plus improbable des chances, un de ces lots sera le mien. Parfois je souhaite en finir vite afin d'abréger cette angoisse.
Pourtant je déteste autant qu'autrefois m'anéantir. Je pense avec mélancolie à tous les livres lus, aux endroits visités, au savoir amassé et qui ne sera plus. Toute la musique, toute la peinture, tout la culture, tant de lieux : soudain plus rien. Ce n'est pas un miel, personne ne s'en nourrira. Au mieux, si on me lit, le lecteur pensera : elle en avait vu des choses ! Mais cet ensemble unique, mon expérience à moi, avec son ordre et ses hasards, nulle part cela ne ressuscitera."



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