mardi 27 novembre 2007

Emma

"Handsome, clever and rich"

Emma
Jane Austen
Penguin Classics, 2003
512 p.

Oui, j'ai mis très longtemps à le lire, je ne vous le fais pas dire. (Pour ceux qui ne suivent pas, j'avais commencé ce jour-là.)
Mais aussi j'ai des excuses !
- j'ai lu plein d'autres choses en même temps. Cf ce blog.
- j'ai du lire et présenter un manuscrit nullissime, qui m'a pris du temps parce que par acquis de conscience, je l'ai lu jusqu'au bout et croyez-moi, en vrai, au bout de la 3e page il aurait fini dans ma poubelle.
- il pleut (oui, c'est une raison tout-à-fait valable)
- et surtout je lis beaucoup moins vite en anglais.

Emma, donc !
Emma qui s'improvise "match-maker", et qui passe son temps à essayer de deviner qui aime bien qui, et qui devrait se marier avec qui, la recherche de mariage étant l'activité principale (pour ne pas dire unique) des jeunes filles de cette époque. Après la phase observation, elle passe à la phase "organisation du hasard" puis à la phase "lavage de cerveau" qui consiste à glisser à chacun des petites insinuations faisant clairement comprendre que l'autre est profondément amoureux/se. Comme quoi Amélie Poulain n'a pas été la première à inventer ce stratagème...

Sauf qu'avec Emma, ça rate.
Au fur et à mesure des révélations, le lecteur s'aperçoit que ses théories loooonguement élaborées sont toutes fausses et qu'Emma s'est trompée de bout en bout (y compris sur ses propres sentiments).

Autant le dire clairement, je n'ai pas accroché plus que ça. Il manque le dynamisme et l'humour qu'il y avait dans Pride and Prejudice, que j'avais vraiment préféré.
La mise en place est trop longue : au bout d'une centaine de pages, rien n'a vraiment commencé, et le personnage qui va donner du ressor à tout ça n'apparait qu'à la page 140...

On est d'autre part dans ce style anglais typique où la description des caractères se fait à travers les dialogues. C'est particulièrement éprouvant pour les personnages dont la caractéristique est de parler trop et de fatiguer tout le monde. Au lieu d'avoir une phrase ("Elle parlait trop"), on a la réplique qui dure trois pages et effectivement, oui, on se rend bien compte tout seul qu'elle parle trop. Et l'on est reconnaissant envers les autres personnages qui essayent bravement de la couper sans paraître impolis...

Et puis Emma m'est antipathique. Elle se pense au-dessus du lot de façon tellement naturelle et incontestée que ça m'énerve. Elle se lie d'amitié pour Harriet, mais d'une façon étrange, plus pour se donner le sentiment d'être bonne et généreuse envers une "inférieure" plutôt que par réelle affection.
Elle "l'éduque", la pousse à séduire un gentleman puisque, dit-elle, Harriet a maintenant de quoi prétendre à viser plus haut que son rang. Sauf que quand elle s'aperçoit que le gentleman en question, c'est celui qu'elle veut pour elle-même, d'un coup d'un seul, Harriet redescend tout en bas de la hiérarchie sociale, et Emma s'étonne qu'elle ait pu seulement oser penser à lui légitimement.

Après quantité d'effets de séduction (voulus ou non), et après quelques espérances de promotion sociale, on s'aperçoit au final que les mariages restent d'un conventionnel affligeant. Ceux d'en bas avec ceux d'en bas, ceux d'en haut avec ceux d'en haut.
Au moins, dans Pride and Prejudice, il y avait un mariage-ascenseur-social !

Et franchement, s'il n'y a même pas le côté "et l'humble bergère épousa le roi bon et respecté", à quoi bon écrire des histoires de mariage, je vous le demande.

Et puis, remarque bassement matérielle (mais je suis une fille comme ça, il faut vous y faire), j'avais acheté ce livre dans la collection Penguin Popular Classics, et bien je ne vous conseille pas. D'ailleurs, l'édition n'est même pas en vente sur Amazon, ils ont honte je suis sûre. Outre que la couverture soit d'une mocheté finie grâce à cette couleur résultat d'un mix entre vert pomme et caca d'oie, le maquettiste a visiblement eu pour mot d'ordre de COMPRESSER le texte, et il a réussi au-delà de ce qui est supportable. On lit du 40 lignes par page dans une police de 6 pouces max, et visiblement les marges intérieures sont passées à la trappe puisqu'on est obligé de casser le livre à mort pour pouvoir lire le début/la fin des mots. Après quoi l'on s'aperçoit qu'on a les pouces tout noirs et qu'on a laissé de jolies trainées d'encre sur les pages de ce papier recyclé horrible qu'affectionnent nos amis les Anglo-saxons... 
A lire donc (ou pas), mais dans une vraie édition.


"To restrain him as much as might be, by her own manners, she was immediately preparing to speak with exquisite calmness and gravity of the weather and the night ; but scarcely had she begun, scarcely had they passed the sweep-gate that she found her subject cut up - her hand seized - her attention demanded, and Mr E. actually making violent love to her* : availing himself of the precious opportunity, declaring sentiments which must be already well known, hoping - fearing - adoring - ready to die if she refused him ; but flattering himself that his ardent attachment and unequalled love and unexampled passion could not fail of having some effect, and in short, very much resolved on being seriously accepted as soon as possible. It really was so."

* je me permets de préciser que ça veut dire qu'il lui déclare sa flamme, et non qu'il lui fait l'amour avec violence, ce qui aurait été ma foi légèrement incongru.

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