samedi 5 janvier 2008

Chagrin d'école

"J'y arriverai jamais, m'sieur !"

Chagrin d'école
Daniel Pennac
Gallimard, coll. Blanche, 2007.
304 p.

Franchement, Pennac, il exagère. Quand on est capable d'écrire de bons livres, on est coupable d'en écrire de mauvais !

Bon j'entends déjà les cris de protestation : tu y vas trop fort, son livre n'est pas mauvais !
Certes, j'y vais fort. Mais si le même texte était sorti sous un nom inconnu, est-ce que, vraiment, il aurait eu ce succès ? Evidemment non. Des ventes honorables, peut-être, zéro prix Renaudot en tout cas.

Mais le pire dans tout ça, c'est que ça se voit gros comme le nez au milieu de la figure qu'il n'en est pas fier-fier de son livre, qu'il a eu du mal à l'écrire.
"Voilà qu'à la fin de cette deuxième partie, je m'offre une crise de doute. Doute quant à la nécessité de ce livre, doute quant à mes capacités à l'écrire."
puis plus loin : "Je lève les yeux. Mon regard erre sur le Vercors sud. Pas une maison à l'horizon etc..." et le voilà qui se met à décrire ce qu'il voit de sa fenêtre. Typique. Quand on ne sait pas quoi écrire, on décrit ce qu'il y a devant nous, et on écrit sur le fait qu'on écrit. Parfois ça donne de très jolies choses. Et parfois pas.
Puis, à la fin du chapitre : "arrête ton cirque, remets-toi au travail."
Oui, exactement ce que j'avais envie de lui dire... Sauf que mine de rien, ça lui fait 3 pages. Plus que combien ?

Cette façon de se mettre en scène en train d'écrire, ça avait déjà commencé de m'énerver dans Le Dictateur et le Hamac, mais là vraiment, c'est trop.

"Vous avez vu ? Moi aussi je bloque, et je regarde par la fenêtre au lieu de travailler."
Peut-être qu'il a voulu écrire un livre de cancre pour étayer un peu sa position de "cancre" ?

Et puis cette façon de faire ce dialogue avec lui-même, de s'auto-critiquer pour déjouer la critique qu'il sent venir, c'est fatigant.
"A te lire jusqu'à présent, tu m'avais tout l'air du prof irréprochable, dis donc ! Et que je te sauve tous les dysorthographiques de la création, et que je te remplis tout un chacun de littérature inoubliable..."
Oui, arrivée aux 2/3 du bouquin, c'est effectivement ce que je me disais. Et que tu le dises n'enlève rien au fait que c'est comme ça que tu te poses, cher Mr P.
Dédouanement constant au fil du livre : "ma métaphore vaut ce qu'elle vaut". Ben oui, elle vaut ce qu'elle vaut. Enfin elle n'est pas si mal, ta métaphore, mais soit tu l'assumes, soit tu en trouves une autre. On n'écrit pas un truc pour s'excuser 2 lignes plus loin.

Ca me rappelle mes dissertes faites à l'arrache à la fin desquelles j'écrivais : "Excusez-moi de vous imposer la lecture d'une copie aussi mauvaise que la nuit que j'ai passé dessus..." La prof me répondait gentiment "C'est mon métier..." mais elle me mettait quand même 5. Ce n'est pas parce qu'on se rend compte de la nullité de ce qu'on fait, que l'on est excusé.

p. 294 : "J'arrive enfin à mes dernières pages". Oui, mais ça Daniel, tu le penses peut-être, mais tu ne l'écris pas s'il te plait...

A part ça, quelques très bonne idées pédagogiques d'un professeur impliqué. Et quelques bons passages, notamment sur l'ignorance :  ne pas savoir pourquoi l'on sait, est une forme d'ignorance. (Même s'il est loin d'être le premier à l'avoir dit). Réflexion obligatoire pour tous ceux qui veulent enseigner.
Mais tout ça ne mérite pas un prix littéraire...

C'est d'autant plus dommage que Pennac est un écrivain hors pair, et qu'il faut sur-le-champ lâcher ce que vous êtes en train de faire (me lire donc, mais attendez que je finisse ma phrase quand même) pour aller lire toute la série des Malaussène, qui est génialissime !


J'ai toujours entendu dire qu'il m'avait fallu une année entière pour retenir la lettre a. La lettre a, en un an. Le désert de mon ignorance commençait au-delà de l'infranchissable b.
- Pas de panique, dans vingt-six ans il possédera parfaitement son alphabet.
Ainsi ironisait mon père pour sitraire ses propres craintes. Bien des années plus tard, comme je redoulais ma terminale à la poursuite d'un baccalauréat qui m'échappait obstinément, il aura cette formule :
- Ne t'inquiète pas, même pour le bac on finit par acquérir des automatismes...
Ou, en septembre 1968, ma licence de lettres enfin en poche :
- Il t'aura fallu une révolution pour la licence, doit-on craindre une guerre mondiale pour l'agrégation ?

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