mercredi 21 novembre 2007

Boule de Suif et autres nouvelles

"Puisque c'est son métier à cette gueuse !"

Boule de Suif
Guy de Maupassant
Nathan, coll. Carrés Classiques, 2006
120 p.

Et bien non, je n'avais même pas lu Boule de Suif à l'école moi !
Mais comme ça m'est tombé gratos dans les mains et dans une édition trop chouette (merci Nathan et Mme T, vous voyez je fais de la pub), que c'est un texte court qui se lit très vite et très bien, je me suis rattrapée.

Et j'ai été soufflée par l'ironie et la cruauté de Maupassant. Au service de la peinture d'une autre cruauté : celle des "honnêtes gens". Boule de Suif est une prostituée au grand coeur et qui a des principes : elle refuse d'avoir tout contact avec l'ennemi. Toute collaboration, si le mot de sonnait pas anachronique. Or, dans une auberge, son refus de céder à un officier prussien a pour conséquence d'empêcher une dizaine d'honnêtes bourgeois à voyager (fuir serait le mot exact, mais eux disent "voyager"). D'où : conspiration pour la faire céder, avec arguments de la plus haute morale, et foi la plus pure. Navigation chevronnée en pleine casuistique.

Plus j'avançais dans ma lecture et plus je lisais vite : d'abord "non, elle va pas céder, elle va pas céder..." puis "c'est pas possible, elle va se venger, elle va se venger..." et puis bing, la fin.
Le dernier mot - "ténèbres" - reste en bouche avec un goût amer...

Un Duel

Étrange nouvelle qui met en scène un Français, un Prussien et deux Anglais, chacun étant peu ou prou la personnification de son pays. Le Prussien, caricature de mépris, de méchanceté et de sadisme, est pour le coup très envahissant (car envahisseur). Les Anglais, eux, semblent "indifférents à tout, comme s'ils s'étaient trouvés brusquement renfermés dans leur île, loin des bruits du monde."
Maupassant a décidément une dent contre les Prussiens. Du coup il fait dans la catharsis, et se concocte par écrit un duel sur mesure contre son ennemi.

La Mère Sauvage

Autre nouvelle de guerre, assez cruelle. Maupassant y peint le désespoir qui conduit à se venger sur des innocents, coupables de ne pas être de la même nationalité. Autrement dit le cercle vicieux des représailles en temps de guerre. On sent que le patriotisme n'était pas un sentiment simple pour lui.
"Elle les aimait bien ses quatre ennemis ; car les paysans n'ont guère les haines patriotiques ; cela n'appartient qu'aux classes supérieures. (...) Ils ne comprennent pas ce point d'honneur excitable qui épuise en six mois deux nations, la victorieuse comme la vaincue."
De quel côté se place Maupassant ? Difficile à dire.
Et d'autant plus difficile de juger l'"héroïsme atroce" de cette mère.


"Alors on conspira.
Les femmes se serrèrent, le ton de la voix fut baissé,et la discussion devint générale, chacun donnant son avis. C'était fort convenable du reste. Ces dames surtout trouvaient des délicatesses de tournures, des subtilités d'expression charmantes, pour dire les choses les plus scabreuses. Un étranger n'aurait rien compris tant les précautions du langage étaient observées. (...) Loiseau lâcha quelques grivoiseries plus raides dont on ne se blessa point ; et la pensée brutalement exprimée par sa femme dominait tous les esprits : "Puisque c'est son métier à cette fille, pourquoi refuserait-elle celui-là plus qu'un autre ?" La gentille Mme Carré-Lamadon semblait même penser qu'à sa place elle refuserait celui-là moins qu'un autre."

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