mercredi 24 octobre 2007

Le vieux qui lisait des romans d'amour

Gondoles et pirogues

Le vieux qui lisait des romans d'amour

En ces derniers jours d'octobre, où le orange et le noir me sautent dessus à chaque fois que je passe devant une vitrine, je me suis plongée dans le vert couleur forêt amazonienne.

Et quand je dis plongée, c'est plongée ! Là, plus de problème de boules quiès dans le métro (pour ceux qui ne suivent pas, renseignez-vous). Ouvrir le livre, c'était retrouver immédiatement cette atmosphère d'humidité et de moiteur, presque de corps-à-corps entre l'homme et la végétation toute-puissante, vivante et menaçante. Atmosphère qui m'a un peu rappelé Cent ans de solitude, de Gabriel Garcia Marquez.

"Le ciel était une panse d'âne gonflée qui pendait très bas, menaçante, au-dessus des têtes."
Je trouve cette première phrase incroyable. Pas vous ? Et je sais pas trop expliquer pourquoi... Il y a quelque chose qui passe, on ressent tout de suite ce que ça veut dire. Ça pose l'ambiance, là, d'un coup.
Ce livre a quelque chose d'assez rare : une excellente première page. Au bout de 2 secondes, ça y est, on est dedans, on a envie de savoir où on est, qu'est-ce qu'il se passe, pourquoi ils sont là, et qu'est-ce qu'ils vont faire.

En réalité, on s'aperçoit très vite qu'on est dans un véritable roman policier. Antonio José Bolivar, c'est le Sherlock Holmes de la forêt, et il est impressionnant. Faut dire, je suis pas très douée en dépistage de traces de jaguar dans la jungle (je ne sais même pas différencier des crottes de renard de crottes de lapin, c'est vous dire !) mais même si je n'y connais rien, je vois que là, ça vole haut. Même que les scouts aussi, et ben ils seraient impressionnés. Antonio José Bolivar, il est trop fort.

Antonio José Bolivar, c'est "le vieux". Les personnages, au fur et à mesure de la tension qui monte, perdent leurs noms. Il y a "le vieux", "le gros", "le gringo", et bien sûr "la bête". Comme pour effacer la différence entre eux et elle.
(Sauf sa femme Dolores Encarnaciòn del Santìsimo Sacramento Estupinàn Otavalo, qui, elle, restera Dolores Encarnaciòn del Santìsimo Sacramento Estupinàn Otavalo, jusqu'à la fin).
Et "le vieux", qui est à la base quand même un peu péjoratif (quand même, hein ? non ? si, quand même...), se charge petit à petit de tout le respect possible.

Maintenant, place au coup de gueule.
Je vous le dit tout de go, il y a un personnage qui m'a énervée, mais alors énervée celui-là !! C'est le Maire !! Je me crispais sur mon livre à chaque fois que je sentais qu'il allait faire ou dire une connerie (ou les deux en même temps, parce qu'il est très fort, l'imbécile !) Si j'avais pu, je te vous me l'aurais envoyé bouler tête la première dans la gadoue aux scorpions, enduit de cire d'hévéa et donner à bouffer aux fourmis rouges, moi !
Je sais bien que ce n'est qu'un personnage, mais c'est pas une raison pour m'énerver !!

Fiouf, ça va mieux.

Bon, vous l'aurez remarqué, c'était en fait un faux coup de gueule, parce que réussir à créer une telle réaction sur le lecteur (ouioui, "le lecteur" c'est moi), même si cette réaction est négative, c'est fort.

Et puis pour finir, un petit coup de coeur, vrai de vrai, cette fois : pour les dernières pages du livres, écrites à la 2e personne du singulier ("tu", en clair). Très efficace.

Au final, un joli moment d'évasion dans cet octobre un tout petit peu trop froid à mon goût...


"Le roman commençait bien.
"Paul lui donna un baiser ardent pendant que le gondolier complice des aventures de son ami faisait semblant de regarder ailleurs et que la gondole, garnie de coussins moelleux, glissait paisiblement sur les canaux vénitiens."
Il lut la phrase à voix haute et plusieurs fois.
- Qu'est-ce que ça peut bien être, des gondoles ?
Ça glissait sur des canaux. Il devait s'agir de barques ou de pirogues. Quant à Paul, il était clair que ce n'était pas un individu recommandable, puisqu'il donnait un "baiser ardent" à la jeune fille en présence d'un ami, complice de surcroît.
Ce début lui plaisait.
Il était reconnaissant à l'auteur de désigner les méchants dès le départ. De cette manière, on évitait les malentendus et les sympathies non méritées.
Restait le baiser - quoi déjà ? - "ardent". Comment est-ce qu'on pouvait faire ça ?"

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