dimanche 18 novembre 2007

Juste la fin du monde

"Pourquoi la mort devrait-elle me rendre bon ?"

Juste la fin du monde
Jean-Luc Lagarce
Théâtre de la Cité Internationale
Mise en scène : François Berreur
Avec : Hervé Pierre (Comédie Française), Danièle Lebrun, Elizabeth Mazev, Clotilde Mollet, Bruno Wolkowitch














Hier, il faisait froid, il faisait nuit, il y avait la méga-grève, et j'avais pas du tout de billet, MAIS j'avais envie d'aller au théâtre.
J'y suis donc allée (en voiture, d'où : bouchons), et me suis mise en quête de quelqu'un qui avait un billet en trop à me revendre.
Je me plante à l'entrée, essaye de repérer les gens qui veulent refourguer des billets : yen a pas. Je vais m'inscrire auprès du gentil monsieur de l'accueil comme "gens qui veulent un billet" : à vue de nez je suis 35e sur la liste. Chouette.
L'heure du pestacle avance [Jackie à la régie tu m'reçois ? balance le bruitage steuplé : tic-tac-tic-tac Merci Jackie], la tension monte... Je commence à me dire que je suis vraiment une tarée et que je vais devoir me refaire mes bouchons en sens inverse.
Puis, là, devant moi, un monsieur, un billet à la main, l'air totalement perdu de ceux qui regardent au loin, derrière les gens, seul au milieu de la foule... Je m'avance :
Moi - Bonjour Monsieur, vous n'auriez pas par hasard, un billet à...
Lui, me tendant son billet, et s'en allant - Ah parfait ! je cherchais quelqu'un à qui le donner...
Moi, voulant lui payer - Mais, vous ne voulez pas...
Lui, s'enfuyant, me criant de loin - non non ! gardez-le !

Dans l'ordre :
1e réaction : M'enfin ? Il est fou ? Ya des doux dingues, sur terre, j'adore.
2e réaction, plus suspicieuse : Pourquoi il est parti en courant le monsieur ? il m'a refourgué une bombe en fait ? déguisée en billet de théâtre ?
3e réaction : wouhou jackpot !! non seulement je vais au théâtre, mais en plus j'y vais gratos. Yeah.

Trop contente, surtout que c'était vraiment bien.

Pas joyeux par contre. L'histoire d'un homme qui revient dans sa famille pour leur annoncer sa mort prochaine. Famille haute en couleurs. Beaucoup de rancoeurs, de reproches, de souffrances. Puis il repart sans leur avoir rien dit. On se demande même si le personnage n'est pas déjà mort, et n'existe plus que dans l'imagination des membres de sa famille.

Ce texte magnifique sur la mort a été écrit par un homme qui allait mourir et qui le savait. (Jean-Luc Lagarce est mort du sida à 38 ans). De la colère à la résignation, de la révolte à l'indifférence, de l'amour à la jalousie, et jusqu'a la haine pour ceux qui vont "rester", tous ces revirements de sentiments sonnent justes, sont poignants.

Le choix de l'acteur qui joue Louis (le double de Lagarce) est étonnant : trop âgé, trop rond, trop bien-portant, trop "joli" pour ce rôle. On attendrait un physique beaucoup plus maigre, sec et tourmenté. Dans le style de Beckett. Ou de Lagarce, justement. Malgré cela, il apporte une présence et une humanité très touchantes.
Le cri final, vers lequel tend toute la pièce, est magistral : l'acteur crie de toutes ses forces, aucun son ne sort. Le silence qui en résulte est assourdissant. Bouleversant.
Impossible de ne pas penser à Munch et à son Cri.

Les autres acteurs sont tous excellents, excepté peut-être Bruno Wolkowitch, un petit peu en-dessous, pour ce rôle difficile du frère, "coupable de ne pas être malheureux", face à Louis. B. Wolkowitch, vous savez, c'est un des flics de la P.J. sur France 2 (ou 3? je sais plus).
Ce qui a fait dire à la jeune fille à côté de moi qui avait dormi pendant toute la pièce : "Ah bon il est connu ? Ah cool ! Bah je regrette pas d'être venue finalement !"
Tout est dit.


"Ce que je pense
(et c'est cela que je voulais dire)
c'est que je devrais pousser un grand et beau cri,
un long et joyeux cri qui résonnerait dans toute la vallée,
que c'est ce bonheur-là que je devrais m'offrir,
hurler une bonne fois,
mais je ne le fais pas,
je ne l'ai pas fait."

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Jolie critique et merci ! Il semblerait que le courage et la providence aient payé pour assister à cette pièce. J'essaierai, si j'ai le temps, de faire de même à mon prochain passage sur paris ! ;)

Julie a dit…

> Silphi : oui, essaye, ça marche souvent ! et en ce moment, même pas besoin d'appeler la providence pour que les gens revendent leurs places, t'as les grèves, ça marche encore mieux !
(hin hin... <-- rire grinçant)