
Le Silence de la mer
Vercors
Editions de Minuit, 1944
Dans la maison de MonPapiEtMaMamie, il y a une bibliothèque magique. Chaque fois que je vais chez eux, je vais fouiner là-dedans, et chaque fois je découvre des livres que je n'avais jamais vus avant.
La dernière fois, c'était toute une série de livres édités par les Editions de Minuit au moment de leur création pendant la deuxième guerre mondiale, création par des résistants et pour éditer des textes de résistants. Il y avait Vercors bien sûr, mais aussi plein d'autres écrivains qui avaient, chacun, pris pour pseudonyme le nom d'une région de France. Pour se protéger d'abord, mais aussi pour montrer que la France résistait.
J'ai donc lu Le Silence de la mer de Vercors dans une édition datant de 1944, toute poussiéreuse, qui sentait le vieux papier, les pages non massicotées, et un peu toutes mal reliées, j'étais toute émue...
C'est le récit d'un homme et de sa nièce qui sont obligés de loger un officier nazi chez eux. Ne pouvant refuser, ils optent pour la résistance passive et décident de ne pas lui parler ni le regarder. De faire comme s'il n'existait pas. Mais l'officier, lui, parle. Il raconte petit à petit, sa vie en Allemagne, sa façon de voir la guerre... Il pense tout haut, explique ses théories sur la littérature française, sur le peuple français.
Peu à peu, le regard du narrateur et de sa nièce change...
Qu'un texte comme celui-là ait pu être écrit et publié en pleine guerre, je trouve ça très ambigu. Je ne pense pas qu'on puisse voir le personnage de l'officier comme un homme bon, naïf et trompé (comme j'ai déjà entendu dire). Enfin, pas uniquement. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas brutal que l'on n'est pas dangereux. Cette ambiguité, on la retrouve dans les paroles de l'officier nazi, parfois rassurantes, parfois sourdement (presque inconsciemment) inquiétantes par l'espèce de folie qui en ressort.
Pas facile de démêler les sentiments que le narrateur (et l'auteur ?) nourrissent envers l'Allemagne, envers la guerre, envers cet Allemand-là.
C'est un texte qui se lit très vite, construit comme en crescendo. En tournant la dernière page, j'avais la chair de poule et les larmes aux yeux.

(Assez bon film, qui fait un mix entre Le Silence de la mer
et Ce Jour-là, une autre nouvelle de Vercors)